Être né en janvier fera sûrement de vous un joueur professionnel

Dans l'excellent livre des économistes Bastien Drut et Richard Duhautois,«  20 Questions Improbables sur le Football », on découvre que le mois de naissance est une variable significative dans l'explication du niveau des joueurs de football. En effet, à travers une étude empirique sur les divers championnats européens, les deux économistes constataient que les joueurs nés en début d'année étaient surreprésentés dans les effectifs. Cette tendance se vérifie parfaitement pendant la coupe du Monde 2014, chiffres à l'appui (voir notre base de données joueurs de la compétition).

Il faut revenir aux raisons qui expliquent ce phénomène : pourquoi être né en début d'année, en janvier, février ou mars fera du footballeur professionnel un bien meilleur joueur que ceux nés en fin d'année ? Ce n'est pas une raison astrologique, contrairement à ce que pourrait croire l'ancien sélectionneur Français Raymond Domenech. On n'associe pas le niveau aux signes du zodiaque, un verseau né fin janvier-début mars n'est pas meilleur qu'un sagittaire né en décembre. Pourtant, les verseaux sont bien plus nombreux que les sagittaires.

Répartition des joueurs de L1 de la saison 2010-2011 selon leur trimestre de naissance (B. DRUT).

Tout se joue pendant l'enfance, lorsque les écarts de taille et de poids des enfants de 5 à 7 ans sont énormes. Durant cette période, la courbe de croissance est bien plus importante que pendant l'adolescence, les enfants grandissent et grossissent très vite. Un entraîneur des poussins, qui doit constituer une équipe, ira piocher vers des jeunes physiquement plus performants, plus grands, plus gros, plus costauds. Alors qu'ils sont nés dans la même année et que la saison sportive commence en septembre, elle suit le calendrier scolaire, un enfant né en janvier aura 9 mois d'avance sur un enfant né en septembre et 11 mois sur celui né en décembre. A cet âge, cette différence est énorme.

Ainsi, le coach optera le plus souvent pour les enfants nés en début d'année, ils débuteront tous les matchs, acquerront d'avantage d'expérience et de confiance et poursuivront le chemin vers une carrière professionnelle. Quant à ceux nés en fin d'année, ils seront délaissés. Ces derniers devront d'ailleurs performer bien plus que la moyenne pour sortir du lot, c'est ce que notent Drut et Duhautois. Si les meilleurs footballeurs comme Benzema ou Ibrahimovic sont nés en fin d'année, c'est parce qu'ils avaient un réel potentiel technique qu'ils ont pu concurrencer les jeunes supérieurs physiquement.

Et cette discrimination à l'encontre des jeunes nés en fin d'année se répète à tous les niveaux. Pour la coupe du Monde, Drut a poursuivi son étude et analysé les dates de de naissance des 736 joueurs du mondial. Et bien 313 sont nés en janvier, soit 42%. Une surreprésentation d'un seul mois, et seulement 207 représentent les 3 derniers mois de l'année, octobre, novembre, décembre.

Répartition des joueurs participants au Mondial selon leur mois de naissance (B. DRUT).

C'est un système de détection totalement discriminant et abusif, puisque les nations prennent le risque de ne pas sélectionner très tôt, et de former, des potentiels joueurs performants. D'ailleurs Drut montre le cas de l'Espagne, qui depuis le début des années 2000, a totalement réformé son système de formation et de détection et ne s'attelle plus aux caractéristiques physiques, contrairement à ce que faisait la France pendant très longtemps. En Espagne c'est le niveau technique qui prime et cela se voit sur la représentation des mois de l'année dans l'effectif Ibérique, elle est parfaitement à l'équilibre.

Il conviendrait de revoir le système, ne pas uniquement se caler sur le physique des jeunes âgés de seulement 5 ou 6 ans. Aux Etats-Unis, dans les ligues juniors de basket et de baseball, cette discrimination avait été distinguée et le système réformé. Plutôt que de se baser sur l'année fiscale, de janvier à décembre, ils divisèrent l'année en 2, de janvier à juillet et de août à décembre. Pourtant, rien n'y fait, les entraîneurs ont continué à sélectionner les jeunes nés en janvier, dans la première période et les joueurs nés en août dans la seconde.

On devrait suivre le modèle de l'Espagne, ne pas se baser sur le physique. En France, un jeune comme Messi n'aurait jamais percé. D'ailleurs, en 2012 lorsque l'Argentin Pastore signa au PSG pour 42 millions d'euros, la presse rappela que le club de Saint-Etienne l'avait refusé dans son centre de formation car jugé trop maigre et trop faible physiquement …